ROLAND SABATIER lettrisme

 
 

Roland Sabatier

GAFFE AU GOLF, roman hypergraphique. 1964 (Extraits)

123 pages (encres, collages et photographies sur papier; 21 x 13 cm)

Publications Psi, 1979 et Z'Editions, 1994.


« Gaffe au Golf a été pensé et conçu comme un roman hypergraphique, dès le début de l'année 1964, immédiatement après la lecture de Les Journaux des Dieux d'Isidore Isou, que l'auteur venait de découvrir. (…) Sur le prétexte d'une matière romanesque donnée, l'auteur souhaitait offrir à l'art de la prose (je disais à l'époque, dans mes notes préparatoires :un émerveillement visuel dense et complexe, une débauche esthétique. Je dirais aujourd'hui : une sorte de déferlement sémantique continu, débordant et significatif, quelque chose, dans ce territoire formel, comme une monstruosité attachante, apte, en même temps, paradoxalement, à choquer et à séduire, à émouvoir et à détacher, en raison même de sa monstruosité.

(…) Comme toutes les narrations fondées sur l'emploi rigoureux des multi-écritures, au premier abord, ce roman s'avère être un défi à la lecture et au déchiffrement, en raison de la nature inhabituelle de ses constituants et par son ampleur. Mais plus que les romans hypergraphiques proposés avant lui,celui-ci frappe — au-delà et indépendamment de la naïveté ou de la malhabileté apparente de la transcription — par son impact hétéroclite, son allure heurtée et non suivie, décousue presque. Chaque chapitre, chaque page, chaque ligne même s'offre comme un en-soi indépendant où s'affrontent, se brassent et se mêlent la reproduction photographique, les coups de pinceaux, les traits de plume, de bâtonnets ou de divers autres instruments, qui véhiculent, traduisent, dans un ordre non définissable, les graphies les plus disparates (sons musicaux, lettres latines, signes morses ou brailles, mots, rébus idéogrammes, etc.). Chaque composant de la mécanique ou de l'élémentique justifiant sa présence, en tous points de la lecture, par un apport nouveau,différent de l'apport du composant qu'il côtoie, en avant ou à sa suite.

(…) Cette nécessité de purification et de complication, le domaine se l'impose pour gagner la permanence de l'originalité, et l'impose au lecteur qui, au prix d'un plus grand effort de déchiffrement, reçoit plus.

Donc, en même temps, concourant à un même but de concentration et d'hermétisme : poly-graphies, poly-rythmiques et multi-mécaniques par rapport auxquelles des multi-thèmes tentent de s'exprimer, perçant par endroits dans un sursaut amplique, ou s'atténuant et disparaissant en d'autres endroits dans le ciselant, au gré de l'intensité ou du relâchement des résonances internes de la seule préoccupation formelle.

Le thème général s'offre dans une perception globale, confuse même, d'où émergent ensuite, et de temps en temps, des objets distincts.

Par ses extériorisations et ses intériorisations courtes, brutales, continuellement répétées et alternées, dont le souci formel est la cause efficiente, le roman perd de vue sa ligne générale pour se constituer, à tous les niveaux de ses composants toméïques, comme une accumulation de romans, comme un poly ou un multi-roman.

L'anecdote, embrassant en elle-même toute une série de courtes anecdotes se veut racontée à travers, et malgré une poly-rythmique qui reste trop préoccupée par l'étude des particularités intimes de ses éléments pour pouvoir s'occuper de l'anecdote.

Ce parti pris d'obscurcissement de l'ensemble pour l'individualisation du détail justifiait le recours, pour la constitution de l'oeuvre, à des agglomérats hypergraphiques qu'il fallait emprunter, sans les copier, mais en en retenant les traits particuliers, à des oeuvres antérieures, pour les utiliser, redéfinis comme simples clichés, et les faire se rencontrer et se choquer les uns contre les autres dans un lieu neuf. D'où, du point de vue visuel — formel — le caractère anthologique de cette réalisation. »

(Extrait de Concentration, émiettement et anthologie des styles ou, dans l’hypergraphie, l’obscurcissement du récit autobiographique, publié en 1979 aux publications psi, en préface de Gaffe au golf. Reprise dans la réédition du roman en 1994 par Z’Editions.)


« Ainsi, de Gaffe au golf, roman policier métagraphique de Roland Sabatier (à paraître), réussite où l’invention, l’humour, le suspense, prouvent que l’inédite voie ouverte par Isidore Isou, n’a pas fini de susciter de nouveaux auteurs. »

(Jacques Spacagna, in L’Hypergraphie dans la prose et les arts plastiques », publié dans Lettrisme, n°1, nov.-déc. 1964.)


Bibliographie:

Publications Psi, Paris 1979.

Z'Editions, Nice, 1994.

Deux page adaptées pour composer la couverture de la revue Psi, n°2, janvier 1965.

Extraits in Kanal Magazine, février 1987.

Extraits in catalogue de Jargoneurs et écrituristes, éd. Musée des Beaux-Arts de Toulon (cat n°75), 1989.

Extraits in Roland Sabatier, Lettrisme: les créations et les créateurs, éd. Z'Editions, Nice, 1989.


Expositions:

Lettrisme, Bibliothèque Nationale de France, Paris, 1966. (exposition du manuscrit).

Extraits exposés in Jargoneurs et écrituristes, Musée des Beaux-Arts de Toulon, 1989.







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