ROLAND SABATIER lettrisme

 
 

Roland Sabatier

OEUVRES POUR CHIENS (1991)


Acrylique sur dix-neuf toiles accompagnées d'une multitude d'objets divers définis comme autant d’oeuvres hypergraphiques, infinitésimales et supertemporelles. Participations des chiens des visiteurs et des pompiers de la ville de Nice. L’ensemble intègre le «Fichier international des chiens perdus dans la réaction culturelle» et «L’oeuvre de pédagogie esthétique pour chiens» réalisée par l’auteur le 25 septembre 1991.

Installation à la Galerie Artcade de Nice, du 25 septembre au 2 novembre 1991


Annonce : "Ensemble d'oeuvres conçues pour les animaux de race canine ou réalisées par eux. Les animaux peuvent être accompagnés par leur maître sous réserve que ces derniers ne se comportent pas de manière réactionnaire. L'accès à l'exposition est interdit aux chiens sans collier et aux chiens enragés. Un cocktail "spécial chiens" sera offert à l'occasion du vernissage


Phrases imprimées sur des affichettes de différentes couleurs diffusées dans Nice au cours des journées précédent l'inauguration de l'exposition:

1 - Les chiens à l'avant-garde le 25 septembre 1991 à la galerie Artcade.

2 - Les chiens entrent dans le paysage plastique actuel à la galerie Artcade.

3 - Les chiens seront lâchés le 25 septembre à la galerie Artcade.

4 -  Les chiens à l'assaut de l'art officiel à la galerie Artcade.

5 - Tous les chiens cultivés à la galerie Artcade.


PRESSE

" ROLAND SABATIER: LE DROIT DE PARLER AUX CHIENS

Pyramide de boites de Fido, fémurs de boeuf, vidéo dont l'acteur est un basset, argile où laisser ses empreintes ( « sculpture canine super temporelle»), bandes dessinées mettant en scène un caniche et un berger allemand, croquettes variées, présence du Chien andalou… Les chiens étaient à l'honneur mercredi 25 septembre à la galerie Artcade, place Garibaldi, à Nice.

"Un gag ? Du néo-dada ? Roland Sabatier dont on avait accroché les toiles lettristes à 40 cm du sol, s'expliqua dans un discours corrosif et plein d'humour. Après avoir affirmé son refus net d'être ramené à l'âge d'avant Ptolémée par les charlatans, il revendiqua le droit de parler aux chiens. D'abord à cause de la possibilité offerte selon lui par Isidore Isou de choisir n'importe quel support (et donc pourquoi pas le chien?) ensuite à cause de la situation faite aux artistes frustrés de collectionneurs sincères et de plus en plus livrés à des investisseurs ignares.

«J'ose espérer que vous me traiterez au moins comme votre chien favori» conclut-il avec malice pendant que sur la moquette nos amis les bêtes faisaient un sort à des os gigantesques.

Un cri de révolte donc de la part d'un artiste inquiet du devenir de l'art dans une société

en proie à l'argent et aux escrocs de tout poil. Il faut avec Roland Sabatier, savoir gré à la galerie Artcade (Combas, Fluxus, l'Are Povera) de s'être prêtée à cette manifestation certes dérangeante mais qui par son refus du conformisme ambiant et sa pertinence constitua un véritable bol d'air frais. Plus d'art et moins de fric? Une idée à cultiver.

E.P. Pariote-cote-d’Azur, n°1254 (du 4 au 10 octobre 1991)


Roland Sabatier: «Oeuvres pour chiens».

« Vive l'art des chiens créateurs" proclame modestement un canin de la BD que Roland Sabatier a réalisé pour que soit achalandé le vernissage des « oeuvres pour chiens ». Chiens et non-chiens sont accourus : Ce fut foule de chiens et de maîtres(ses) chiens, ces derniers exécutant à la dent des travaux de maître avec les os de boeufs ou de vaches qui occupaient le sol. Tout était chien, les visiteuses avaient du chien et leurs compagnons se méfiaient car colliers et laisses étaient pendus aux cimaises pour critiques à Art Press, expert en art moderne, ministre de la Culture et de la Communication, Conservateur du Musée, Professeur d'Art Plastique... et l'on peut se méprendre bien qu'il ne fit pas un temps de chien, ce dont SABATIER profita pour exécuter un numéro fort réussi: monté sur une caisse à chien il domina quadrupèdes et bipèdes pour un cours sur l'art chiennement engagé confirmé sur un écran TV où chien et chat batifolaient démentant les calomnies que les homidiens répandent sur les relations entre mâtins et matous. Rien ne manquait pour le plaisir de tous, une provision de Loyal assez importante pour redonner de l'ouïe aux affamés et lutter contre l'ensoleillement pédagogique gravé aux murs. De vin aussi pour dûment recevoir le Chien Andalou où BUNNUEL n'imaginait pas le trouver. On nous permettra de conclure ayant évité, de justesse - chaîne et collier généreusement prévus pour notre usage que ce fut une tombée de nuit époustouflante pour l'esthétisme canin. Attendons donc de Sabatier - lettrisme exige - quelques nouvelles versions de cette anthropochiennerie. Le cheval semble indiquer: n'est-ce point, avec le chien le meilleur ami de l'homme ? Mais pourquoi pas la puce son usage dans la technicité de pointe doit la privilégier pour un nouvel envol d'un lettrisme électronique.

Jacques LEPAGE, Arthèmes, oct-nov. 1991


"Très belle expo dont je dirai qu'en la réalisant Nice marque un point par rapport à Paris. Il a fallu que ce soit une galerie niçoise car je ne vois ni Stadler, ni Templon, ni Fleiss en train d'exposer les chiens de Sabatier, à la rigueur Ecric Fabre".

Ben in Artthèmes (oct, nov. 1991).


"(...) L'exposition s'organise en deux parties, l'une comporte de petites toiles avec des signes sur fond de couleurs violentes, placées sur des cimaises à 20 cm du sol; l'autre est conçue par les chiens eux-mêmes, à partir de dispositions et de matériaux présentés en permanence à même le sol sur le pourtour de la galerie, soit des bacs sable, un film vidéo sur les chiens, un cocktail pour les chiens le soir du vernissage, des oeuvres corporelles canines, etc. On n'arrête pas le progrés, après les restaurants pour chiens, voici les galeries d'art!.

Viginie Parriaux, Le Standard, n°144, sep. 1991.


" (...) Lors du vernissage insolite, parmi les chiens de toutes races avec des des pedigrees et sans pedigrees, Roland Sabatier, juché au sommet d'un podium a expliqué sa recherche "Oeuvres pour chiens", il fut très convaincant en expliquant l'exposition et l'installation dans la galerie d'objets de toutes sortes pour nos amis à quatre pattes, un paradis pour eux, avec des mets raffinés, os de boeufs et nourritures industrielle pour nos amis les bêtes. Rien de violent, ni de répréhensible pour la SPA au contraire, pas de quoi fouetter un chat, ils étaient absents du vernissage (...). Une exposition à découvrir dans une galerie qui nous surprendra toujours par la passion et la défense de l'insolite dans l'art."

Frédéric Altmann, Nice Matin, 13 octobre 1991.


REDECOUVERTE DE « OEUVRES POUR CHIENS » DE ROLAND SABATIER.

Acrylique sur dix-neuf toiles et objets divers définis comme autant d’œuvres hypergraphiques et infinitésimales. Participations des chiens des visiteurs et des pompiers de la ville de Nice.

L’ensemble intègre le «Fichier international des chiens perdus dans la réaction culturelle» et «L’œuvre de pédagogie esthétique pour chiens» réalisée par l’auteur le 25 septembre 1991.Il est une œuvre singulière de Roland Sabatier dont il m’a été permis de visionner les traces visuelles à plusieurs reprises et qui remonte déjà à 1991. Je dois dire que cette réalisation résonne étrangement en moi, car en préambule, l’auteur explicite en une aporie ensorcelante jetée aux maîtres venus accompagnés de leurs chiens : « si cette exposition vous surprend, ce n’est pas parce que vous ne pouvez pas la comprendre, c’est parce qu’elle n’a pas été conçue pour vous ». Faisant intervenir la race canine, à la place du règne des hominidés, du végétal, enfin de tout ce qui ressort d’un organique ou d’un autre genre existant ou à inventer, ces dites œuvres pour chiens nous laissent songeurs à plus d’un titre, car Sabatier y introduit une nouvelle nourriture terrestre qui exclut tout le minéral qui nous rejoindra un jour. Les aboiements proliférants, répétitifs, incantatoires de ces quadrupèdes, considérés comme la mécanique et le support de sa réalisation visuelle et ô combien sonore, consentent à l’auteur de dresser un portrait d’une autre race, celle de la meute qui entoure encore le monde de l’art académique contemporain.Malicieusement, l’auteur ajoute lors du vernissage et de sa présentation à la Galerie Artcade, en un mois de septembre méditerranéen, « qu’il espère ne pas être traité comme un chien. Un artiste moins rigoureux que moi dirait que cette exposition dépasse l’entendement humain pour appréhender l’entendement canin ».L’ami le plus fidèle de l’homme, celui qui apparaît métaphoriquement dans les œuvres des maîtres du passé, sort de leur cadre figé, faisant directement son entrée dans la galerie elle-même – ce qui est tout de même une belle idée, une de ces idées jubilatoires si chères à Sabatier –, pour se métamorphoser en des supports et des matériaux vivants, de ceux qu’Isidore Isou avait inaugurés avec son Mobile vivant, un oiseau qui vécut quelque temps dans les salles du Salon Comparaisons en 1960, ou bien le poisson rouge et son aquarium présenté en 1962 dans le même salon parisien.De toutes ces mécaniques en relation avec les descendants de la Louve fondatrice de Rome, Sabatier dresse un inventaire systématique aux allures naturellement loufoques, comme l’inconnu se présente à l’ordinaire : depuis la participation supertemporelle des chiens aux œuvres gustatives canines, en passant par le Fichier international des chiens perdus dans la réaction culturelle, ou encore des répliques de tableaux d’artistes de l’establishment culturel de l’époque où le compagnon d’Isou a ironiquement introduit la présence d’un chiot, ou encore, pour défier, certainement, leur disparition qu’il conçoit également, des œuvres cette fois-ci thérapeutiques.Rien à voir avec les signes francs blancs et peints en réserve de sa post-écriture personnelle.Ici, les spectateurs découvrent une mise en abîme éternelle du cri déchirant du genre de celui qui vocifère sans maîtriser le langage, de celui qui se trouve à l’orée de l’humanité, qui se construit et se détruit chaque jour, et nous donne en offrande un plat qui se mangera toujours chaud, un met composé d’œuvres alléchantes, provocatrices et bouleversantes, presque des anti-cosmogonies anthropologiques visuelles, enfin des idées d’ "anti-art" dans un monde où les installations les plus hardies ne pourront jamais rivaliser avec la scène culturelle et nietzschéenne du cheval bafoué que le philosophe veut secourir pour, peut-être, se sauver lui-même.Comme le dit Isou au sujet du roman, mais appliqué, ici, au monde formel, celui-ci n’est jamais devenu que la cage à bêtes qu’il avait prophétisée.

Anne-Catherine Caron, Paris, le 25 avril 2011. (Extrait de « Riposte Lettriste », 2011).


Bibliographie

Catalogue du 3è Festival international d'art infinitésimal et sup, éd. Art,Vidéo cinéma et Ecritures, 1991

Roland Sabatier « Œuvres pour chiens » : Documents autour de l’exposition, Les Echos du Durable, n°13, 1992.

Roland Sabatier : Le droit de parler aux chiens, Patriote-Cote d’Azur, n° 1254, 1991

Œuvres pour chiens de Roland Sabatier, par Virginie Parriaux, Le Standard n°144, 1991

Roland Sabatier, par Jacques Lepage, Arthèmes, octobre, novembre 1991.

Roland Sabatier « Œuvres pour chiens », par Frédéric Altmann, Nice Matin, 13 octobre 1991

La méca-esthétique lettriste (p.60), Editions AVC et Ecritures, Paris 1999

Oeuvres pour chiens, Editions derrière la salle de bain, Nantes, 2010.

Lettrisme: vue d'ensemble sur quelques dépassements précis (1944-2010), éd. Villa Tamaris/ La Nerthe, 2010


Une  présentation de documents et de vidéo en rapport avec l'inauguration de cette manifestation figure dans l'exposition Le temps de l'action. Acte 1: une recherche sur l'histoire des performances sur la Côte d'Azur de 1951 à nos jours, au Centre National d'Art Contemporain de la Villa Arson, Nice, du 24 juin au 30 octobre 2011.


Extraits video du vernissage de l'exposition à la galerie Artcade de Nice  en septembre 1991:


ici sur YouTube





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